Elsa Forey, juriste, membre de l’Observatoire de l’éthique publique, répond à 3 questions au sujet du contrat d’engagement républicain.
Qu’est-ce que le CER change pour les associations ?
La loi du 24 août 2021 confortant les principes républicains modifie la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations, laquelle régit le régime des subventions et de l’agrément. Désormais, les associations ne pourront plus solliciter un avantage public si elles n’ont pas souscrit à ce contrat ou si elles n’en respectent pas les principes. De même, pour prétendre à la délivrance d’un agrément, les associations sont soumises au respect des principes du contrat d’engagement républicain.
Le respect de ces principes conditionne aussi le maintien des avantages consentis à l’association (et pas seulement leur octroi). En cas de non respect, le retrait de la subvention s’accompagne d’une restitution des sommes versées.
à noter : les subventions comprennent « les contributions facultatives de toute nature » (article 9-1 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations), c’est-à-dire non seulement les aides sous une forme monétaire mais aussi les aides en nature. Peuvent donc être concernés le prêt d’une salle ou l’accès à la voie publique pour l’organisation d’un événement
Qu’est-ce que le CER change pour les collectivités ?
Les collectivités territoriales se voient imposer de nouvelles obligations : le refus ou le retrait des subventions à des associations qui ne se plient pas au contrat d’engagement républicain. Le nouveau dispositif ne s’impose donc non pas seulement aux associations mais aussi aux collectivités territoriales. C’est d’ailleurs sur ce point que le dispositif innove le plus.Jusqu’ici, le retrait des subventions constituait « une simple faculté » pour les collectivités locales. L’objectif principal de la loi est d’encadrer le choix des collectivités territoriales quant à leurs partenaires.
à noter : le déféré préfectoral créé par la loi du 24 août 2021 permet en outre au préfet de saisir le juge pour lui demander la suspension d’un acte pris par une collectivité qui est de nature à « porter gravement atteinte aux principes de laïcité et de neutralité des services publics ». Ce dispositif pourrait être utilisé contre une collectivité territoriale qui aurait attribué (ou n’aurait pas retiré) une subvention à une association qui n’aurait pas souscrit au CER ou n’en respecterait pas les principes.
En quoi est-ce un basculement dans le rapport entre les pouvoirs publics et les associations ?
En dépit de ce que laisse penser la dénomination de l’engagement républicain, celui-ci n’a rien d’un procédé contractuel. C’est aussi ce que le Conseil d’Etat avait souligné dans son avis sur le projet de loi. Le terme « contrat » suggère en effet l’existence d’obligations réciproques entre les deux parties (collectivités publiques/associations). Or, on ne peut pas parler de réciprocité dans le cas du CER. Tout d’abord, les collectivités publiques ne seront jamais obligées d’accorder des subventions, même si les associations s’engagent à respecter les principes de la République. Ensuite, le dispositif a été imposé unilatéralement et sans concertation. Enfin, le « contrat » d’engagement républicain est très éloigné des tentatives engagées dans les années 2000 pour instaurer un partenariat entre les associations et les collectivités publiques dont le point d’orgue réside dans la charte d’engagements réciproques entre l’Etat, le mouvement associatif et les collectivités territoriales, signée le 14 février 2014. Le contrat d’engagement républicain introduit une rupture avec l’esprit de partenariat que les signataires de la charte recherchaient entre eux.