CER : 3 questions à… Bénédicte Hermelin

Bénédicte Hermelin, directrice générale de France Nature Environnement (FNE), répond à 3 questions au sujet du contrat d’engagement républicain.

Pourquoi les associations de l’environnement sont plus spécifiquement attaquées par le CER ?

Les associations de protection de la nature et de l’environnement (APNE) dérangent ! Parce que protéger la nature, c’est rappeler que nous devons arrêter de surconsommer les ressources de la planète. De ce fait, les APNE s’opposent à des projets portés ou soutenus par des collectivités, l’Etat, des entreprises. Très souvent, elles fédèrent des citoyen·ne·s qui refusent l’accaparement de ressources naturelles au profit d’une minorité, qui protègent des bouts de nature : bois, terres agricoles, ruisseaux, zones humides, et même en ville, des arbres ou des jardins ouvriers. Et elles n’ont parfois pas d’autres moyens, parce que les bulldozers vont plus vite que la justice, que d’user de méthodes de désobéissance civile comme le blocage de chantiers pour mettre en œuvre leurs activités au profit de l’intérêt général : protéger la nature.

Quelles craintes avez-vous par rapport à ces cas qui remontent sur la liberté des associations de l’environnement ?

Que des associations perdent leur agrément « protection de l’environnement », qui leur est indispensable pour siéger dans certaines instances, pour être obligatoirement consultés sur les plans locaux d’urbanisme, pour se prévaloir d’un préjudice en cas d’infractions environnementales, par exemple. En résumé, que les APNE n’aient plus les moyens d’agir.

Que des associations se retrouvent en grand danger financier parce que des collectivités ou des services de l’Etat refusent de leur accorder des financements au motif qu’elles pourraient éventuellement ne pas respecter le CER, ou parce qu’il leur serait demandé de rembourser des subventions déjà dépensées.

Que des personnes ne s’engagent plus bénévolement dans des associations, compte tenu des conséquences que cela peut avoir en termes de responsabilité. Et également en termes de stigmatisation : personne n’a envie d’être considéré comme un ennemi de la République, pour s’être mobilisé pour un monde vivable pour toutes les espèces vivantes, des êtres humains aux chênes, en passant par les insectes et les poissons.

Et qu’au final, parce que la mobilisation pour la protection de notre planète est indispensable et urgente, que des gens s’engagent hors des associations, avec des méthodes radicales et violentes.

Que faudrait-il faire pour éviter ces dérives ? 

Abroger le contrat d’engagement républicain ! Il est inutile, car il y a déjà beaucoup de contrôle des associations. Obtenir un agrément protection de la nature impose déjà de remplir beaucoup de critères, et notamment de transparence sur les activités et les comptes. Le code pénal et administratif prévoit déjà des sanctions contre les organisations qui enfreignent la loi. Pourquoi cet arsenal supplémentaire, qui est complètement détourné de son objet initial ? Les protecteurs de l’environnement seraient-il donc des séparatistes en puissance ? Nous nous battons tous les jours pour faire respecter le droit de l’environnement, contre les pollueurs, les bétonneurs, et l’Etat qui lui-même, trop souvent, ne respecte pas ses lois, et les lois européennes Plutôt que d’attaquer les défenseurs de la nature, l’Etat devrait d’abord et avant tout respecter et faire respecter scrupuleusement le droit de l’Environnement. Nous en sommes loin.