Source : LeMonde.fr
Le gouvernement annonce sa détermination à s’attaquer au « noyau dur du chômage des jeunes ». Pour ce faire, il veut offrir une première expérience professionnelle réussie aux moins qualifiés d’entre eux pour les inscrire dans un parcours d’insertion sociale et répondre à leur « désespérance ». C’est le secteur non marchand, les associations et les collectivités territoriales au premier chef, qu’il entend prioritairement impliquer. Il leur assigne l’objectif de créer 100 000 emplois en 2013 et 50 000 supplémentaires l’année suivante.
L’intention est louable et le moyen raisonnable. Négliger le présent et sacrifier l’avenir des jeunes les plus éloignés de l’emploi serait catastrophique. Mobiliser les associations est judicieux pour mettre en œuvre des solutions. Elles sont devenues des acteurs majeurs du marché du travail, employant collectivement plus d’un million et demi de personnes. En outre, à l’épreuve des faits, elles s’impliquent davantage que les entreprises voire les administrations dans l’accompagnement vers l’emploi et la formation de leurs personnels.
Ainsi, leur culture professionnelle et les principes qui les fondent amènent assez naturellement les associations à se préparer à contribuer à l’effort national en faveur de l’insertion. A condition que soient clarifiés les objectifs politiques et réunies les conditions de leur réalisation effective.
Car la crise réclame une ambition supérieure au simple palliatif. La mesure phare du président de la République pour combattre le chômage des jeunes doit viser des effets durables. Les emplois d’avenir ne sont pas programmés pour sortir 150 000 personnes des chiffres du chômage. Ils n’ont de sens qu’en leur proposant un chemin vers l’emploi durable. La durée relativement longue – trois ans – du contrat envisagé est le premier ingrédient d’une politique cohérente. Il convient, au-delà, de programmer un dispositif complet, prévoyant non seulement le statut et la rémunération, mais assurant aussi l’encadrement et la formation des jeunes bénéficiaires et permettant de les conduire jusqu’au diplôme et la qualification, qui restent le sésame pour toute insertion professionnelle véritable.
Ceci est d’autant plus nécessaire que les associations employeuses ont été fragilisées ces dernières années et s’engageront plus difficilement dans une énième génération de contrats aidés. Pour la première fois, en 2011, elles ont été amenées à détruire 22 000 emplois. Le monde associatif connaît des transformations profondes et manque, aujourd’hui, tout particulièrement de cadres hautement qualifiés pour faire face à une demande sociale extrêmement exigeante.
Il y a urgence, nous en convenons. Mais les emplois d’avenir, dans cette version ambitieuse, ne réussiront que si, profitant du dialogue avec les partenaires sociaux, les collectivités territoriales et la société civile, le gouvernement et le législateur font preuve de cohérence et d’imagination. Nous sommes prêts à les y aider.
A défaut, il n’aurait pas grand sens à fonder le dispositif sur les associations. Leur objet social n’est pas d’employer beaucoup et mal. Mais de créer du lien social et du sens civique. S’il s’agit de recourir, quelques temps, à une main d’œuvre bon marché grâce à une manne publique ponctuelle, le secteur marchand sera, peut-être, plus intéressé et tendanciellemment plus efficace. Trois décennies de traitement social du chômage l’attestent malheureusement.