PAR DENIS PANSU, PRÉSIDENT DE L’ASSOCIATION RÉSOLUTIONS ET COORDINATEUR DE LA FONDATION AFNIC POUR LA SOLIDARITÉ NUMÉRIQUE
Le numérique n’est pas qu’un outil ; c’est un moyen de repenser l’organisation de l’association par un fonctionnement plus fluide en renforçant la démocratie. Le sujet est à la fois très opérationnel et stratégique, tous les membres d’une association sont donc concernés par les choix qui dicteront son utilisation.
La numérisation de la société a mis en lumière le fait que l’information est une matière première au même titre que le pétrole. Nous sommes acteurs d’une société « informationnelle », à la fois utilisateurs et producteurs. Le téléphone mobile est en passe de devenir l’interface numérique universelle ! Cela nous conduit à organiser différemment nos actions et nos relations.
Ces conséquences sont visibles au-delà de l’action individuelle, elles s’étendent à la gestion des organisations et, plus particulièrement, à la vie associative. Elles modifient la façon de fabriquer l’information pour les adhérents ou encore le mode d’engagement des membres actifs. Le numérique multiplie les canaux d’information (messagerie, blog, réseaux sociaux, etc.), les niveaux de lecture (SMS, tweet, photos, vidéos, etc.) et l’intensité de l’engagement (immédiat, ponctuel, régulier, durable). Les technologies numériques ont fortement évolué, la technique s’adapte enfin aux besoins de l’utilisateur.
Après les outils, les acteurs du numérique ont élaboré des services puis des plateformes sur lesquels d’autres acteurs inventent des solutions. Les plateformes de financement participatif en sont l’illustration, combinant site de dialogue, base de données de contributeurs et système de paiement. Les associations utilisatrices de plate-formes en ligne peuvent ainsi aisément gérer à moindre coût et mieux affecter les ressources disponibles.
Le réseau ouvert
Internet est un réseau ouvert : il offre la liberté pour un individu d’entrer et de sortir quand il le souhaite, quel que soit son positionnement social, idéologique ou spi-rituel. Il permet de contribuer selon ses possibilités, à son rythme. Bien sûr, le cadre associatif le permet aussi, c’est dans sa nature ! Considérons justement le réseau ouvert comme un vecteur, dans sa faculté à partager l’information, à impliquer de nouvelles personnes et à relier des acteurs d’univers et de géographies différents. Un autre bénéfice du numérique est de pouvoir concilier communication synchrone et asynchrone ; cela pro-cure la faculté de s’exprimer quand on le peut et c’est un garant démocratique du débat que de pouvoir le faire en différé et à distance. Au-delà des usages individuels, le réseau ouvert est aujourd’hui vital pour le monde associatif dans la mesure où il permet de redynamiser le modèle fédératif. Ces deux dimensions doivent être aujourd’hui associées : la fédération sans le réseau est une structure rigide et lente ; le réseau sans la fédération, c’est la jungle. Le numérique fluidifie et décloisonne. Insatisfait des modalités de vote habituelles, des acteurs du logiciel libre ont appliqué la méthode de Condorcet pour renforcer la démocratie au sein de leur organisation ; sans le numérique, cette méthode était jusque-là inapplicable car trop paperassière. Par la suite, ils ont même testé le vote continu, constatant que le débat émerge après le vote ! Ces apports du numérique pointent le fait qu’il nous faut dépasser la question de l’outillage pour le concevoir comme un moyen de repenser l’association.
Le système d’information
Lorsque l’on fait la somme des services utilisés couramment dans une association (site web, blog, photothèque, vidéothèque, documents et agendas partagés, cartographie, réseaux sociaux, enquête, paiement, etc.), nous constatons le grand nombre de services en ligne utilisés. La quantité de paramètres à régler pour optimiser leur fonctionnement avec nos outils (téléphones, tablettes, ordinateurs, etc.) est impressionnante. La plupart du temps, leur gestion est empirique, issue de découvertes successives qui s’additionnent. De nouvelles méthodes d’organisation sont à la portée des associations, particulièrement le développement agile qui permet de prendre très vite en compte les besoins des utilisateurs et de maîtriser les coûts et les délais d’un développement informatique. Extrapoler ce type de méthode issue du numérique peut constituer une opportunité pour répartir la responsabilité. C’est ce qui inspire l’holacratie. Le pilotage des serveurs informatiques constitue un autre sujet d’attention. Des équipes sont à l’œuvre pour donner aux petites organisations la possibilité de gérer leurs propres serveurs avec des logiciels libres et redevenir totalement maîtresses de leurs données. Les experts seront bien sûr nécessaires, mais ils pourront se concentrer sur des tâches à la hauteur de leurs compétences. Cela répondra dans un futur proche aux risques vécus dans nos sociétés, liés à l’intégrité des données personnelles et à la préservation des libertés publiques. Tout cela, c’est ce qu’on appelle un système d’information, cela implique de choisir et de gérer les outils, les canaux, les flux d’information et les services en ligne qui répondent aux besoins de l’association, mais sur-tout de décider de ceux qui sont en phase avec la philosophie du projet associatif que l’on porte. C’est un sujet trop vital pour le confier aux seuls techniciens, c’est un sujet trop stratégique pour le laisser au seul conseil d’administration.
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