Le véritable poids de Bruxelles dans notre législation nationale

Ce chiffre des 80% de notre législation directement inspirée de Bruxelles et repris aussi bien par Marine Le Pen que par Michel Barnier lors des dernières élections européennes, c’est Jacques Delors, en pleine période euro-enthousiaste qui l’avait lancé, en 1988. Celui qui était alors Président de la Commission européenne faisait alors le pari que, d’ici 10 ans, notre législation économique, fiscale et sociale serait d’origine communautaire.

L’idée ainsi parée de la crédibilité de son auteur a été largement utilisée. On trouve ainsi même sur le site du ministère de la justice mention d’une proportion du droit communautaire dans le droit français de « 60 à 70% des textes nouveaux ». Pourtant, si la construction de l’Europe a conduit à se doter d’institutions fortes de compétences nouvelles, elle n’en a pour autant pas suivi le pronostic de son ancien Président de Commission.

C’est ce que montre l’étude rendue publique par Terra Nova à la fin du mois de janvier. Il s’agissait de mesurer l’influence de la législation communautaire sur l’activité du législateur français. Outre la revue de la littérature sur le sujet, l’étude a procédé à une analyse méthodique des textes de portées législative sur la durée des deux derniers mandats de la Commission, soit toutes les lois adoptées et toutes les ordonnances ratifiées par le Parlement français de 1999 à 2008. Un volume conséquent : 10 000 textes pour près de 20 000 articles.

Malgré des biais méthodologiques certains, liés notamment à la difficulté de comparer des textes de portées très dissemblables, il ressort sans ambiguïté que ce chiffre de 80% ne correspond à aucune réalité. Au contraire, l’impact réel du droit européen sur notre activité législative nationale serait plus proche des 10%.

– Environ 25% des dispositions législatives adoptées par le Parlement comportent un ou plusieurs articles transposant des dispositions d’origine communautaire.
– Moins de 10% des lois comportaient une part significative de mesures de
transposition du droit communautaire.
– Moins de 10% du total des articles législatifs adoptés ont vocation à transposer des dispositions communautaires.

A maxima, une loi sur 4 comprend une disposition, parfois marginale, d’origine européenne.

En réalité, l’essentiel des compétences, et donc du droit, demeurent encore du ressort national. Il conviendra de s’en souvenir quand on entendra nos élus invoquer le poids de Bruxelles pour justifier leurs prises de position ou une situation nationale insatisfaisante. L’Europe a parfois bon dos…

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En lire plus sur ce sujet :
– l’étude elle même sur le site de terra nova
– une interview de Olivier Ferrand et Matthias Fekl sur euractiv
– une première réponse à la question du pourcentage des lois nationales d’origine communautaire sur le blog de Jean-Quatremer, en mai 2009

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