Depuis 2002, le dispositif local d’accompagnement joue un rôle d’appui aux associations employeuses en participant annuellement à la consolidation et à la structuration de près de 7 000 d’entre elles. Simon Cottin-Marx (LATTS, Université Paris-Est), qui réalise une thèse sur l’impact du dispositif, a accepté de nous en livrer les premiers enseignements.
Vous avez commencé une thèse il y a deux ans sur le dispositif local d’accompagnement (DLA), pourriez-vous partager avec nous vos principaux résultats ?
Le DLA propose aux associations employeuses (et plus largement aux structures de l’ESS) de bénéficier gratuitement d’un accompagnement pour consolider leur modèle économique et pérenniser leurs emplois. Concrètement, le chargé-e de mission DLA réalise le diagnostic d’une association volontaire puis, quand c’est pertinent, commande une prestation afin d’aider la structure à se consolider. Cette seconde partie de l’accompagnement est confiée à un consultant ; il peut intervenir sur de nombreux aspects, comme la gestion, le projet associatif, le modèle économique, la communication, etc.
Une partie de mon travail de recherche a été consacrée à l’analyse de l’impact du DLA. Pour cela, j’ai notam-ment étudié une quarantaine de structures. Bien que chaque association soit spécifique et que l’on observe des différences selon les secteurs, globalement le DLA ça marche : les objectifs officiels sont atteints. Le dispositif participe à consolider l’emploi et le modèle économique des structures, en améliorant la gestion des associations et en donnant à ses membres, bénévoles et/ou salariés, des outils permettant d’avoir une meilleure visibilité sur leurs activités. Il les aide aussi à mieux connaître leur ter-ritoire, les opportunités à saisir, etc.
Le DLA est un coup de pouce pour les associations ?
Dans la période de vache maigre que nous connais-sons, le DLA accompagne les associations pour qu’elles s’accommodent du retrait, ou en tout cas de l’incertitude, des financements publics. Il facilite aussi leur adaptation au modèle plus concurrentiel qui s’impose à elles. Bien sûr, le dispositif ne fait pas de miracle, mais c’est un vrai plus pour les associations. J’ai aussi pu observer que le DLA pousse les associations, sans les contraindre, à respecter le droit du travail (conventions collectives, GRH) mais également la loi 1901 en les amenant notamment à avoir des administrateurs actifs et motivés. Le DLA réveille les dynamiques collectives au sein des structures, remobi-lise les membres au service du projet associatif et de la sauvegarde des emplois.
Pourriez-vous nous donner un exemple ?
J’ai rencontré une structure de l’insertion par l’activité économique d’une vingtaine de salariés. Elle avait des difficultés économiques et risquait le dépôt de bilan. L’intervention du consultant DLA a permis de rendre visibles les problèmes structurels du modèle écono-mique de l’association. En mettant en place une comptabilité analytique, et surtout en formant la direction à s’en servir, les postes de dépenses déficitaires ont pu être identifiés. L’organisation du travail a aussi été revue : plus rigoureuse, l’association a cessé de perdre de l’argent. L’accompagnement a aussi permis d’envisager un nouveau plan de développement. L’entrée des outils de gestion dans la structure a été bénéfique pour tout le monde : l’information sur l’activité de la structure a été mieux partagée avec les salariés et les bénévoles, et tous se sont remobilisés pour sortir la structure de l’ornière. Voilà un accompagnement raconté très brièvement.
Ce qui était intéressant dans ce cas, comme dans d’autres, c’est que l’accompagnement a fonctionné parce qu’il a été réalisé volontairement par la structure. Quand ce n’est pas le cas, tout le monde perd son temps. Un autre élément que je trouve particulièrement intéressant dans les associations que j’ai étudiées, c’est que la question de la sauvegarde de l’emploi est centrale, au moins autant que le projet associatif de la structure.
Est-ce le DLA qui est responsable de cet effet ?
Oui et non. Le DLA amène les associations à prendre en compte la question de l’emploi, à en faire une finalité au même titre que le projet collectif, mais ce phénomène dépasse le dispositif.Depuis les années 1980, les associations sont marquées par une dynamique de salarisation : elles sont porteuses d’un nombre croissant d’emplois. Cette situation est en partie le résultat d’un fort volontarisme des politiques publiques : les pouvoirs publics ont fait des associations un outil dans leur lutte contre le chômage, elles sont devenues un réceptacle de publics à insérer. La multiplication des « contrats aidés » a participé à faire entrer certaines associations « en économie », les a transformées en ce que Matthieu Hély appelle des « entreprises associatives ». Dans ces structures, la dimension économique et la dimension emploi sont au moins aussi importantes que la dimension politique.
Pour conclure, je dirais que les pouvoirs publics aident aujourd’hui davantage les associations pour leur conte-nu en emplois que pour leur projet associatif. Cela n’est pas neutre pour les associations : l’emploi est dorénavant autant un moyen pour atteindre leurs objectifs qu’une fin en soi. Autrement dit, il semble que la préservation des emplois et la création de nouveaux postes fassent aujourd’hui pleinement partie du projet social des asso-ciations employeuses. Et quand, comme aujourd’hui, la crise économique touche les associations, celles-ci se re-trouvent sous tension, doivent parfois aligner leur projet associatif et économique sur les attentes du marché – qu’il soit public ou privé – pour sauver ces emplois. Avec le risque de perdre leurs spécificités associatives, de se transformer en simple prestataire et/ou en « entreprises associatives » au fonctionnement calqué sur le modèle des entreprises privées.
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