article publié dans le numéro 464 de jurisassocitaions (septembre 2012) , Marie Lamy, conseillère technique à Le Mouvement associatif, fait le constat de l'extension du domaine de l’intérêt général qui est à l’œuvre. Une affirmation qui pose une question centrale pour l'avenir associatif : "Jusqu’à quel point les activités lucratives peuvent elles être considérées d’intérêt général ? ""/>

Jusqu’à quel point les activités lucratives peuvent elles être considérées d’intérêt général ?

«L’Etat reconnaît l’importance de la contribution associative à l’intérêt général » : le préambule de la Charte des engagements réciproques, signée en 2001 entre l’Etat et Le Mouvement associatif, est on ne peut plus clair. Il inscrit les associations, dont les logiques collectives dépassent la seule satisfaction des intérêts particuliers, comme des acteurs clés de la mise en œuvre de l’intérêt général. Pourtant, de nombreuses menaces pourraient, dans les prochains mois, venir affecter leur capacité à contribuer à la cohésion sociale et territoriale.

Le mode de financement associatif sous forme de subvention est un symbole de cette reconnaissance. Si elle ne fait l’objet d’aucune définition légale, la subvention est une aide consentie par des personnes publiques à des personnes privées poursuivant une mission d’intérêt général. Avec le recours de plus en plus fréquent à la commande publique, on passe d’un soutien aux projets dans toute leur dimension citoyenne et démocratique fondé sur un partage de l’intérêt général à un soutien aux activités en réponse à une commande associée à un cahier des charges précis. La conséquence en est une perte de qualité du dialogue entre financeurs publics et associations, de plus en plus considérées comme des prestataires et non plus comme des partenaires librement associés à la mise en œuvre de l’intérêt général.

Par ailleurs, la baisse du volume du financement public en direction des associations, observée pour la première fois en 2010, risque de mettre à mal la capacité des associations à apporter des réponses aux besoins sociaux. Pourtant, au-delà de son apport économique, ce financement public est primordial : il favorise la mixité sociale des publics bénéficiaires des associations et évite le creusement de fortes inégalités des tissus associatifs locaux. Le gouvernement de Jean-Marc Ayrault rétablira-t-il  « les financements associatifs supprimés sans concertation » comme le Président en avait pris l’engagement pendant sa campagne ? Les discussions en cours à Bercy orientées vers une réduction drastique des dépenses d’intervention de l’Etat ne sont pas rassurantes.

Cette réduction des subventions de l’Etat oblige les associations à diversifier leur financement. D’où l’importance d’encourager le financement privé d’activités d’intérêt général. Pourtant, l’objectif actuel de contraction des dépenses publiques conduit l’administration fiscale à restreindre le champ de l’intérêt général par une interprétation restrictive du concept (art 200 et 238 bis  du code général des impôts) ce qui limite paradoxalement l’accès des associations aux dons et au mécénat. De plus, on voit se multiplier les tentatives de remise en cause du régime fiscal du mécénat, pourtant l’un des plus avantageux d’Europe. Un renouvellement de cette approche de la fiscalité est donc indispensable, associant le secteur associatif à une redéfinition vigilante et rigoureuse de l’intérêt général, qui ne soit pas dictée unilatéralement par l’administration fiscale.

Cette démarche devra prendre en compte l’extension du domaine de l’intérêt général à l’œuvre : au côté des associations, émergent de nombreux acteurs privés qui considèrent l’intérêt général comme au cœur de leur activité (entrepreneurs sociaux, entreprises solidaires, coopératives, etc.). Progressivement, les lignes qui séparaient activités économiques lucratives et engagement sociétal s’estompent, posant un problème redoutable : jusqu’à quel point les activités lucratives peuvent elles être considérées d’intérêt général ?  Une épineuse question qui pourrait trouver un début de réponse dans l’évaluation des impacts sociaux des projets.

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