Le 6 avril dernier, Human Rights Watch a signé une déclaration commune appelant au retrait du projet de loi du gouvernement cambodgien sur les ONG et les associations, pouvez-vous nous préciser la teneur de cette déclaration ?
_ Human Rights Watch a souhaité signer cette déclaration pour faire connaître les menaces qui pèsent sur la société civile (ONG et associations) cambodgienne. La liberté d’association y est très sérieusement remise en cause par un projet de loi au travers duquel le gouvernement a clairement signifié sa volonté de renforcer son contrôle sur la société civile. Ce projet, s’il est adopté, est une menace certaine pour la vitalité et le futur de la société civile cambodgienne.
_ Or, le dynamisme de celle-ci a été l’une des réussites les plus exemplaires de ces vingt dernières années au Cambodge. Un tel projet de loi remettrait en cause bien des avancées dans ce domaine. D’ailleurs, au-delà des principaux initiateurs de cette déclaration, parmi lesquels l’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l’Homme (créé par la Fédération internationale des Droits de l’Homme-FIDH et par l’Organisation mondiale contre la torture-OMCT) et Human Rights Watch, il faut souligner que ce projet de loi a aussi été fermement dénoncé par 62 organisations internationales travaillant au Cambodge qui ont enjoint les pays donateurs à condamner fermement ce projet de loi, qu’elles considèrent, à juste titre, comme une « menace pour la société civile« .
_ Très concrètement, en quoi ce projet de loi remet-il en cause le droit à la liberté d’association, pourtant garanti par la constitution cambodgienne ?
_ Ce projet de loi soulève trois grandes inquiétudes :
-* Tout d’abord, l’enregistrement auprès de l’Etat cambodgien va devenir obligatoire pour toutes les associations voulant opérer dans le pays. De fait, les ONG ou associations qui n’auront pas reçu d’accréditation, seront soumises à une interdiction d’activité sur le sol cambodgien.
-* Dans le même temps, cette procédure d’enregistrement obligatoire va excessivement pénaliser les organisations de petite taille qui n’auront pas les moyens, notamment financier, de se faire enregistrer.
-* Enfin ce projet de loi, malgré nos demandes répétées, ne prévoit aucun mécanisme d’appel en cas de refus d’enregistrement d’une association ou d’une ONG. Le gouvernement cambodgien pourra dès lors refuser à sa guise le droit d’exercice à une association et cela sans jamais à avoir à craindre une possible remise en cause de cette décision.
_ Considérant ces trois points, le droit à la liberté d’association ne sera dès lors plus aucunement garanti comme le prévoit non seulement la constitution cambodgienne mais aussi l’article 22 du pacte international relatif aux droits civils et politiques dont le Cambodge est partie prenante.
_ Face à un tel constat, le gouvernement cambodgien a-t-il été réceptif à vos préoccupations et recommandations ?
_ Malheureusement non, pas jusqu’à présent. Il refuse de retirer ce projet de loi et, chose encore plus inquiétante, il en a renforcé la teneur. Depuis décembre 2010 et la diffusion des premières ébauches de ce projet, la société civile cambodgienne et internationale n’a eu de cesse de faire part de son inquiétude. Bien loin de prendre en compte ces préoccupations, le gouvernement cambodgien a amendé et renforcé ce premier projet, jusqu’à augmenter potentiellement son emprise et son contrôle sur la société civile. Ainsi, dans la nouvelle version du projet de loi, le gouvernement sera à même de pouvoir annuler à tout moment l’accréditation d’une association ou ONG s’il juge qu’elle émet des positions trop critiques à son égard.
_ La pérennité de la société civile cambodgienne reste donc grandement menacé et le gouvernement cambodgien n’a, pour le moment, fait part d’aucun signe d’ouverture. Nous ne pouvons donc, considérant la situation actuelle, que réitérer notre appel à la suspension de ce projet de loi et à la mise en place d’un cadre juridique respectant les droits humains dans leur totalité.
– Lire le texte complet de la déclaration en anglais et en Kmer
– En savoir plus sur l’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l’Homme