Le Mouvement associatif a organisé le 28 février à Marseille, un débat public aux cotés du Mouvement associatif Provence-Alpes-Côte d’Azur et en présence du Secrétaire d’État en charge de la vie associative, Gabriel Attal.
Plus de 150 citoyens, bénévoles et responsables associatifs étaient présents pour témoigner, échanger, émettre des propositions ou encore interpeller le Secrétaire d’État. En effet, il était question de la cohésion sociale et du dynamisme territorial permis par les associations locales tout en soulignant leurs besoins criants en terme de moyens, d’accompagnement et de reconnaissance.
Les discussions ont donc porté essentiellement sur :
- Comment renforcer le rôle des associations dans la démocratie ?
Un certain nombre d’interventions ont été l’occasion pour les participants de faire part de leur sentiment que les associations ne sont plus suffisamment considérées comme des corps intermédiaires à part entière et de la nécessité, surtout dans le contexte actuel, de soutenir leurs fonctions démocratiques. Bien que mobilisés dans des commissions et des cadres de concertation avec les pouvoirs publics, ils estiment ne pas toujours disposer des moyens suffisant pour mener à bien leurs représentations. Les modalités de participation à ces espaces de dialogue, sur le temps de travail dans la plupart des cas, rendent difficile la diversification des profils des représentants associatifs mobilisés.
D’autres ont souhaité alerter sur les tendances actuelles, en France et en Europe, à la « criminalisation » des actions militantes (délit de solidarité) incompatibles avec les principes démocratiques d’un état de droit. Il a été proposé d’effectuer un recensement exhaustif des cas litigieux pour en tirer les enseignements et garantir qu’ils ne se reproduisent plus.
Bon nombre d’acteurs ont tenu à insister sur le lien indéfectible entre insatisfaction démocratique et difficultés économiques et sociales : comment peut-on attendre des citoyens qu’il continue de croire dans une société dont ils ne perçoivent plus ou faiblement de reconnaissance et de protection ?
Plutôt que de s’enfermer dans une lecture du bien-être collectif à l’aune du seul PIB, les participants invitent à se doter de nouveaux indicateurs. Certains proposant la mise en place d’un indice de satisfaction à co-construire pour disposer d’une grille de lecture partagée des enjeux sociétaux.
- Comment renforcer la contribution des associations à la cohésion sociale ?
De nombreux témoignages sont venus démontrer le rôle essentiel joué par les associations dans les territoires fragiles. Des centres sociaux et associations agissant dans les quartiers populaires ont insisté sur leur fonction d’appui et d’accompagnement des dynamiques collectives d’habitants. Ils ont partagé leurs inquiétudes sur la dégradation continue des conditions de vie dans les quartiers, le manque d’opportunité et d’horizon pour les jeunes. Il est indispensable qu’en complément d’une politique économique et sociale ambitieuse de soutenir les acteurs qui, quotidiennement, leur redonne du « pouvoir d’agir » et leur permette de « faire société »
Dans les territoires ruraux, les associations sont souvent l’un des derniers lieux permettant aux habitants de disposer d’un espace de rencontre, d’activités et de débat. Délaissés par les services publics, pas assez solvables pour le secteur marchand, ces territoires ont plus que jamais besoin d’être maillé d’initiatives citoyennes permettant de lutter contre l’isolement.
Via leurs actions, les associations sont des espaces de mixité permettant la rencontre de l’autre. Cette fonction est un filet essentiel pour lutter contre toutes les formes d’extrémisme et donner corps aux valeurs de solidarité et de fraternité.
- Comment favoriser l’engagement ?
De nombreux témoignages ont illustré à quel point les expériences d’engagement bénévole comme volontaire participe de la formation des citoyens dans une dynamique d’éducation populaire. Il s’agit d’une des formes de participation à la vie de la cité les plus plébiscitées par nos concitoyens mais le monde associatif fait face aujourd’hui à de nombreux défis :
- Le renouvellement des dirigeants bénévoles.
- La diversification des profils mobilisés.
- L’émergence de nouvelles dynamiques informelles.
- La complexité grandissante des démarches administratives et de recherche de financement.
Malgré cela, elles continuent chaque jour d’expérimenter de nouvelles façons de faire et d’accompagner les bénévoles dans leur épanouissement dans une logique d’émancipation. Des interventions sont venues souligner l’importance de leur parcours d’engagement sur leur trajectoire personnelle. Pour beaucoup, cela leur a permis de gagner en estime de soi, de mieux comprendre le monde qui les entoure, de continuer à faire de nouvelles rencontres et d’acquérir des compétences transposables à d’autres domaines. Le tout pour leur permettre une meilleure insertion sociale et professionnelle.
La question du Service National Universel a également fait l’objet d’une discussion sur la dimension partagée de ce projet avec les associations, actrices majeures sur les enjeux de citoyenneté des jeunes. Le Ministre a rappelé la volonté du gouvernement que les associations coconstruisent ce nouveau projet pour la jeunesse. Des participants ont exprimé leur réserve sur la dimension obligatoire de cette démarche et la place faite aujourd’hui aux associations dans le dispositif expérimental.
Tout le monde s’accorde sur la nécessité permanente de promouvoir, en mobilisant tous les canaux disponibles et de manière répétée, l’engagement libre et volontaire. Un participant a souhaité rappeler qu’il ne fallait pas confondre « bénévolat » et « travail d’intérêt général » en référence aux récentes propositions d’en faire une contrepartie aux aides sociales. Si c’est une contrepartie, ce n’est pas un engagement libre et volontaire ! La confusion sur le bénévolat, élément central de la vie associative, n’est pas acceptable pour les acteurs.
- Les enjeux de l’emploi dans les associations.
La question de l’emploi a été longuement abordé lors des échanges et ce sous différents angles. On a pu vérifier à cette occasion que le traumatisme lié à la suppression brutale des CUI-CAE était toujours très fort et que les PEC (Parcours Emploi Compétences) n’était pas à la hauteur des enjeux et de leurs besoins.
Cela a été l’occasion de ré-insister sur la distinction entre politique de soutien à l’emploi associatif pour répondre aux besoins du secteur et contributions des associations aux politiques d’insertion et de l’emploi.
Sur ce premier point, tout le monde s’accorde sur la nécessité de construire une véritable politique de soutien à l’emploi associatif dans une logique de développement du secteur à l’instar du FONJEP pour répondre à la complexité grandissante des défis sociétaux et comme catalyseur des engagements bénévoles et volontaires.
Le Mouvement associatif a renouvelé sa proposition de créer 38000 emplois socialement utiles en prolongeant une des recommandations du rapport BORELLO. D’autres ont suggéré de bonifier les aides aux associations s’engageant dans l’apprentissage et l’alternance pour répondre à la fois aux enjeux de professionnalisation du secteur et offrir des parcours diversifiés aux jeunes entrant sur le marché de l’emploi. Sur le second point, des initiatives remarquables d’associations s’étant investi sincèrement dans les politiques publiques d’insertion et de l’emploi comme les emplois d’avenir ou les CUI-CAE avec des résultats exemplaires battant en brèche le poncif que les associations se seraient comportées de manière irresponsable avec les personnes accueillies souvent sur la demande insistante de l’Etat. Les PEC dans les conditions actuelles ne fonctionnent pas et les acteurs présents ont pris le temps de détailler les raisons qui les ont poussés à ne pas s’inscrire dans ce dispositif : complexité des démarches, impossibilité pour les opérateurs de compétences (OPCO) de mobiliser des moyens complémentaires pour les appuyer, taux de prise en charge trop faible et des profils visés ne correspondant pas à leurs besoins.
Si les voies d’amélioration possible sur les enjeux d’emploi sont nombreuses, il est certain que les attentes sont grandes sur ces 2 sujets qu’il convient de ne plus confondre et de ne pas non plus opposer.
- Les enjeux du financement des actions d’intérêt général portées des associations.
La majorité des personnes présentes ont fait part des difficultés grandissantes rencontrées suite au désengagement de l’Etat et des collectivités pour financer leurs projets malgré des besoins sociétaux croissants. De plus, le recours croissant aux appels d’offres et appels à projets a largement bouleversé leurs fonctionnement, l’initiative associative ne trouvait que peu d’échos chez les pouvoirs publics au profit d’une demande sans cesse renouvelée aux associations de s’inscrire dans les politiques publiques. La réduction de la part des financements aux associations accordé via la subvention contribue, chaque jour davantage, à transformer les associations les faisant passer d’acteur à opérateur des politiques publiques étouffant ainsi leur capacité à innover.
Les autres modalités de financement ont également été abordés :
- La nécessité de donner plus de visibilité aux associations sur leur financement en privilégiant la pluri annualité.
- Revoir le fonctionnement des pouvoirs publics pour pouvoir donner des réponses beaucoup plus tôt dans l’année et les financements accordés. Il n’est pas normal de n’avoir une réponse qu’en juin ou juillet sur des projets déjà engagés et de ne recevoir les fonds qu’en octobre.
Enfin, il a été rappelé que les difficultés d’accès et la démultiplication des financements constituait une des difficultés majeures des associations et de leurs dirigeants. Cette complexité contribuant grandement aux difficultés de renouvellement des gouvernances associatives. Tout le temps passé à cette recherche de financement n’est pas consacré à la qualité des projets. Il faut trouver un équilibre entre le respect des contraintes inhérentes à la bonne gestion des deniers publics et de la possibilité donnée à tous les citoyens de s’engager au service de l’intérêt général.