« L’Europe a un besoin urgent qu’on s’en préoccupe.
Au nom de ce qu’elle a pu permettre mais aussi pour ce qu’elle peut encore incarner. »
« À quelques mois des prochaines élections européennes, nous avons fait le choix de consacrer ce nouveau numéro de la Vie associative au sujet. L’Union européenne, née des horreurs de la Seconde guerre mondiale, traverse une crise sans précédent depuis 1957 et le traité de Rome. Crise du projet qui semble ne plus avoir d’idéal ; crise de confiance des peuples, crise de défiance vis-à-vis d’institutions devenues à la fois trop éloignées, trop technocratiques et dont on ne comprend plus les contraintes qu’elles imposent. Crise de l’inachèvement d’un projet qui ne peut reposer que sur le marché et la monnaie uniques, sans consolidation démocratique ou avec une faible convergence sociale, fiscale, écologique ou réglementaire. Crise des partis de gouvernement qui n’ont pas su renouveler, nourrir et partager avec les citoyens cette vision de l’Europe qui avait porté ses fondateurs et longtemps encore ses premiers bâtisseurs.
Pourtant, l’Union européenne a permis la paix sur un continent si longtemps secoué par les guerres. Deuxième puissance économique mondiale, elle constitue cet espace unique pour traiter, à la bonne échelle, de problématiques communes qui ne peuvent plus se traiter aux échelles nationales seules. Elle a permis à des générations de jeunes d’échanger, de grandir et de nourrir une culture commune. Elle permet encore des innovations dans tous les domaines comme elle permet aussi de soutenir des programmes de solidarité auprès des territoires les plus en besoin.
C’est aussi pourquoi nous avons décidé dans ce numéro d’ouvrir des espaces pour se forcer à repenser à nouveau l’Europe et lui redonner perspective globale ; et pour rendre compte de l’avis des citoyens et des collectifs associatifs, notamment sur la question démocratique. Mais aussi pour dire plus directement les enjeux qui se posent pour les associations dans la définition des politiques et des règles européennes. Au cœur de ce sujet, celui de la reconnaissance de la non lucrativité et de son enjeu central pour les associations et les mutuelles notamment. La reconnaissance de la non lucrativité par l’UE, c’est se battre pour nos organisations bien sûr, mais c’est se battre avant tout pour un certain modèle d’entreprise, sociale et solidaire ; et c’est se battre en définitive pour la reconnaissance et l’existence d’une économie différente au sein de l’UE, qui fait le choix de la non lucrativité, du service plus accessible aux citoyens et de l’intérêt général.
Enfin, et parce que cela est moins souvent évoqué, nous avons fait le choix de dire aussi ce que prévoit l’Europe au travers de ses instruments pour les associations et à travers elles et leurs projets, ce qu’elle permet effectivement pour les citoyens. Dire l’apport de l’Europe au quotidien est aussi important que de pointer ses incomplétudes.L’Europe a un besoin urgent qu’on s’en préoccupe. Au nom de ce qu’elle a pu permettre mais aussi pour ce qu’elle peut encore incarner. Et il est essentiel que la société civile s’en mêle !
C’est notre engagement en 2019, avec nos pairs, plateformes associatives des autres pays de l’UE réunies dans le Forum Civique européen, pour soutenir et porter une campagne et des messages communs par-delà les frontières, et redire qu’en France, comme dans chaque pays de l’Union, il y a une société civile active qui demeure attachée au projet d’Union, mais à un projet dont l’inflexion doit devenir nettement plus sociale, plus écologique et plus démocratique, à défaut de quoi, il y a à craindre un délitement encore plus profond et un désamour dont il sera particulièrement difficile de revenir. »Phillipe Jahshan, Président du Mouvement associatif
Janvier 2019