Loi sur le développement : réaction de Coordination Sud

Le Mali, la Syrie, la Centrafrique, les catastrophes naturelles, rappellent que les populations du Sud sont les premières victimes des déséquilibres mondiaux.

Ces crises, visibles, s’accompagnent d’une violence structurelle plus discrète, d’inégalités sociales et économiques croissantes.

Les ONG françaises sont mobilisées pour répondre sur le terrain et avec leurs partenaires à ces enjeux. Acteurs importants de la solidarité internationale, elles sont très actives pour suivre et, parfois, infléchir la politique française en la matière.

L’adoption, le 23 juin (1), de la loi d’orientation et de programmation sur le développement et la solidarité internationale est l’occasion de tirer un bilan.

Durant la campagne présidentielle, François Hollande avait répondu de façon très positive à nos propositions : accord pour présenter une loi d’orientation et de programmation pour la politique de développement et de solidarité internationale ; pour créer un cadre formel de concertation avec tous les acteurs concernés ; pour « chercher un chemin crédible vers l’atteinte des 0,7 % du PIB » consacré à l’Aide publique au développement (APD) ; pour mobiliser une part significative de la taxe sur les transactions financières aux enjeux du développement et du climat, etc.

« Françafrique »

Nous, ONG, avons pris note de ces engagements. Nous avons décidé de contribuer aux différents chantiers, mis en œuvre par Pascal Canfin (ministre délégué chargé du développement de 2012 à 2014, Ndlr), pour leur donner corps.

Nous avons construit des propositions concrètes et dialogué avec les parlementaires.

Le jeu en valait la chandelle. Pour la première fois durant la Ve République, la France se doterait d’une loi qui encadrerait sa politique de développement et de solidarité internationale et le Parlement pourrait délibérer sur les choix et sortir ainsi des méandres de la « Françafrique ».

Tout au long du parcours législatif, nous avons émis des propositions pour fonder la loi sur le respect des droits, la cohérence des politiques, l’encadrement des activités des multinationales dans les pays du Sud, le lien entre l’urgence, la réhabilitation et le développement, la participation des populations vulnérables, et sur une clarification du pilotage de l’aide entre les différents ministères.

Le texte final, voté par les deux assemblées, intègre beaucoup de ces principes et objectifs. Mais il reste marqué par une « retenue » certaine.

Une dynamique « gazeuse »

L’exemple le plus marquant tient à la question de la responsabilité sociale, environnementale et fiscale des multinationales.

Un an après la catastrophe du Rana Plaza, qui a fait plus de 1 100 morts au Bangladesh(1), le principe est présent dans le texte mais les mesures concrètes de son application peinent à s’imposer. Il en est de même en matière de pilotage de l’aide. Nos ONG veilleront inlassablement à rendre cette loi utile et efficace.

Le côté sombre du processus tient aux moyens de sa mise en œuvre : en engageant cette démarche législative, la France a marqué sa volonté et son ambition d’inscrire sa politique dans une nouvelle dynamique. Mais cette dynamique est contredite au plan budgétaire.

L’absence de programmation risque de la rendre « gazeuse », limitée à l’énoncé de principes, sans déclinaison des moyens de mise en œuvre.

Restrictions

L’OCDE a confirmé la baisse de 10 % de l’APD française en 2013. Sa contraction n’est pourtant pas une fatalité en période de contraintes budgétaires : le Royaume Uni a augmenté son APD de 27,8 % en 2013 et l’Italie de 13,4 %.

Baisser les crédits de la politique de développement revient à ôter aux pays les plus pauvres les moyens pour la scolarisation, la santé, le développement économique.

Ces restrictions conduisent à reculer encore sur le front de la lutte contre la pauvreté et le changement climatique.

Pourtant, la majorité des français se prononce en faveur d’une politique généreuse, même en cette période de rigueur. Pourtant, l’environnement, la lutte contre les grandes pandémies, l’éradication de la faim, exigent des financements importants, et de la générosité.

Si les citoyens français le sont, la France, elle, l’est de moins en moins.

(1) Elle a été promulguée le 7 juillet.

Jean-Louis Vielajus est président de Coordination SUD – Solidarité Urgence Développement, coordination de 148 ONG françaises agissant dans l’action humanitaire d’urgence, l’aide au développement, la protection de l’environnement, la défense des droits humains, l’éducation à la solidarité internationale et le plaidoyer.

Leave a Comment