Les infractions sur le temps de travail constatées à la Croix-Rouge sont « surprenantes », juge la présidente du Mouvement associatif, Nadia Bellaoui, les grosses structures étant plus à même de protéger l’emploi associatif. Mais la frontière entre salariat et bénévolat est parfois difficile à faire respecter.
QUESTION – Le respect du temps de travail est-il de manière générale une problématique pour les salariés (environ 1,8 million) du monde associatif ?
Nadia Bellaoui – Les dysfonctionnements relevés à la Croix-Rouge sont assez surprenants. Le sujet de l’emploi dans les associations est plutôt posé par les petits employeurs.
L’emploi dans les associations est très hétérogène, il y a deux mondes: les grandes structures qui concentrent beaucoup d’emplois – dont la Croix-Rouge est un archétype (18.000 salariés, ndlr) – et qui sont censées être la partie protégée de l’emploi associatif. Un emploi sur deux est dans le champ du sanitaire et social. Le reste, ce sont les tout petits employeurs qui emploient un ou deux salariés.
On a plutôt tendance à être inquiets vis-à-vis des petits employeurs associatifs parce qu’ils ont les caractéristiques des milieux professionnels plutôt difficiles: pas de représentation des salariés et, en général, de la précarité et de l’emploi partiel non choisi.
Q – L’emploi associatif va souvent de pair avec une forme d’engagement. Cela rend-il plus difficile l’application du droit du travail?
NB – Les associations sont soumises à la même législation, droit du travail et conventions collectives, que le reste du monde du travail.
La spécificité du monde associatif, c’est que les salariés, bénévoles et employeurs ont les mêmes valeurs. Les salariés associatifs sont engagés et donc de leur propre chef passent plus de temps au travail. Ce que nous appelons le « don de travail » ne peut cependant pas se matérialiser par des heures supplémentaires non rémunérées. Constater objectivement que les personnels font plus de temps et s’interroger sur cette réalité dans une association, c’est normal, mais il est de la responsabilité des employeurs de se souvenir qu’il y a une subordination, que le
salarié peut se causer du tort et qu’un cadre légal est là pour le protéger. On ne peut jamais justifier d’être en-dessous du droit du travail et des conventions collectives.
Il faut aussi laisser la possibilité au salarié de s’engager mais avec des garde-fous (…) Les associations gagneraient à développer des mécanismes comme le don de RTT (…) qui permet par exemple de s’engager, tout en respectant un cadre législatif.
Q – Les conditions de travail se sont-elles dégradées avec la crise ?
NB – Globalement l’emploi résiste (…) parce que le besoin d’association persiste. Mais on a perdu en qualité d’emploi. Donc c’est un problème pour l’avenir. Quand on remplace des emplois qualifiés en CDI par des jeunes recrutés en CDD, moins qualifiés, structurellement, vous perdez en qualité. Rajeunir doit aller avec une capacité d’encadrement supplémentaire. Les effets de la montée en charge du service civique sont par ailleurs à surveiller car il est difficile de mettre des
frontières très étanches entre travail bénévole ou civique et travail salarié.
Propos recueillis par Anne-Sophie LABADIE