Anne Florette : "L’intervention de la BPI ne sera possible qu'à la condition que les emprunteurs puissent dégager des excédents"

Le 3 juillet devant l’Assemblée plénière du Conseil supérieur de l’Économie sociale et solidaire (ESS), le ministre délégué à l’ESS Benoit Hamon a annoncé qu’une part de la Banque Publique d’Investissement (BPI) serait réservée au financement de l’ESS. Est-ce une bonne nouvelle pour le secteur associatif ?

C’est une bonne nouvelle parce que c’est le signe d’une prise de conscience par le gouvernement de la capacité de développement de l’Economie Sociale et Solidaire, et des besoins financiers qui en découlent. Plus largement, il faut aussi y voir le signe que l’économie sociale est solidaire est considérée comme une composante à part entière du tissu économique, qui doit pouvoir accéder aux outils de financement mis à la disposition des entreprises dites « classiques ». C’est le fruit d’un travail patient des organisations représentatives de l’économie sociale et solidaire pour faire reconnaître sa contribution au développement économique local et à la création d’emploi.

Selon vous, à quels types de besoins de financement cette banque Publique d’Investissement devra-t-elle répondre?

La connaissance des besoins de financement de l’économie sociale avance, avec notamment des travaux menés par les commissions du Conseil Supérieur de l’Economie Sociale et Solidaires, et plus particulièrement sur le secteur associatif dans le cadre du Pôle de compétence MUT’ASSO que Le Mouvement associatif a créé et auquel nous participons avec notre programme de CNAR Financement.

Si l’on essaie de caractériser, malgré la très grande diversité des situations, les besoins propres aux associations, on dira qu’il faut se préoccuper du renforcement de la structure financière par des apports en fonds propres, qu’il faut améliorer les conditions d’accès au crédit bancaire moyen terme afin de limiter au strict nécessaire les crédits « court terme » ou les découverts. Il faudra que la BPI ait un spectre très large et puisse intervenir sur des montants allant de quelques milliers d’Euros à quelques millions. Il faut pouvoir servir toutes les tailles et tous les statuts des entreprises du secteur.

On identifie également des manques dans l’offre existante pour certaines phases critiques de la vie des associations : le lancement de nouveaux projets souvent innovants qui constituent un atout historique du monde associatif mais dont le « retour sur investissement » est long, des mouvements de regroupements pouvant aller jusqu’à la fusion et qui nécessitent une ingénierie financière spécialisée, ou encore le financement par les banques de projets immobiliers, pour lesquels les garanties des collectivités sont aujourd’hui insuffisantes, …

En tant qu’acteur financier de l’économie sociale et solidaire, que préconisez-vous pour que ces apports financiers répondent au mieux a ces besoins? 

Les acteurs de la finance solidaire, dont France Active fait partie, ont mis en place des outils d’apports en fonds propres remboursables, des fonds de garantie, des dispositifs de microcrédit, qui ont fait la preuve de leur efficacité, et qui sont activés au niveau de chaque territoire par des réseaux décentralisés. Le volume d’intervention de ces outils se développe progressivement et leur marge de progression reste importante compte tenu des besoins du secteur. Nous souhaitons que la BPI, particulièrement pour les projets de taille moyenne et de dimension régionale, s’appuie sur ces réseaux en renforçant leur capacité d’intervention. Pour aller dans le même sens, la participation active des collectivités et en particulier des Régions à la gouvernance de la BPI garantirait une bonne adéquation avec les besoins des territoires.

Enfin, et c’est particulièrement vrai pour les associations, l’intervention de la BPI ne pourra être possible qu’a la condition que les emprunteurs puissent dégager des excédents pour rembourser les sommes investies. C’est une vraie révolution culturelle, pour certains dirigeants associatifs, mais également pour leurs partenaires publics qui jugent parfois illégitime la réalisation de « bénéfices », pourtant indispensables à la consolidation du projet. Peut-être un sujet pour une Loi Cadre sur l’économie sociale et solidaire ?

Anne Florette, Directrice générale de France Active.

Pour toute question sur les solutions de financement pour les associations, consulter le site très complet du Cnar financement SOLFIA

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