Viviane Tchernonog : contrepoint sur l'ACOSSTAT

En 2009, les associations ont continué de créer des emplois (+ 1,8 %) « malgré la crise économique et la diminution du nombre de contrats aidés », souligne l’ACOSS. Ces données sur l’emploi associatif peuvent-elles nous rassurer ?

Saluons tout d’abord la publication de l’Agence centrale des organismes de Sécurité sociale (ACOSS) qui a réalisé une étude très intéressante sur l’emploi salarié dans les associations. Les données dont dispose l’ACOSS résultent des déclarations annuelles de données sociales remplies chaque année par les employeurs privés, donc par les entreprises et par les associations. Il s’agit d’un gisement de données exceptionnel. L’accès des chercheurs à cette base de données pourrait enrichir considérablement la connaissance de l’emploi salarié dans les associations.

Il faut toutefois se montrer attentif à l’utilisation d’indicateurs d’analyse et d’évolution qui ont été conçus pour les entreprises. Ceux-ci ne peuvent être appliqués sans précaution aux associations qui sont des organisations d’un type particulier sur un certain nombre de plans comme la gestion désintéressée, la présence de bénévoles, la nature des ressources et l’importance des financements publics.

Les formes d’emploi dans les associations sont atypiques. Environ 40% des emplois y sont précaires (CDD, stages, emplois aidés, d’insertion…) et le temps partiel y est particulièrement répandu. De nombreux emplois salariés ne sont pas les emplois principaux des personnes embauchées : ainsi, un professeur d’éducation physique fonctionnaire de l’éducation nationale qui donne deux heures de cours dans une association est considéré comme un emploi salarié.

La note de l’ACOSS avance que le nombre d’emplois a crû de 1,8% dans le secteur associatif comparativement à 2008, alors qu’il a baissé de 2,3% dans le secteur privé lucratif. Rappelons que l’emploi associatif est de l’emploi tertiaire, qui augmente également dans le secteur privé lucratif. Lorsque ce dernier connait un fléchissement, il s’agit le plus souvent d’emplois industriels qui ne concernent pas les associations.

Mais pour avoir une idée plus juste de l’évolution de l’emploi salarié dans les associations, il faudrait aussi pouvoir en mesurer la qualité : les emplois créés sont-ils surtout à temps partiel ? L’augmentation de la masse salariale (cumul des rémunérations brutes) en 2009 laisse cependant supposer que le volume de l’emploi associatif a continué de croître, même si une partie de cette croissance peut être expliquée par une montée de la professionnalisation (qualification) du monde associatif. Est-on sûr que la suppression d’un CDI, consécutif aux difficultés qu’ont connues un certain nombre d’associations dans cette période, ne s’est pas traduite dans les faits par la création de deux emplois (CDD, temps partiel, etc), ce qui aurait pour effet de faire monter « mécaniquement » le nombre d’emplois ?

La note de l’ACOSS précise d’ailleurs que si les déclarations d’embauche sont particulièrement dynamiques pour le secteur associatif, l’essentiel de cette augmentation concerne les embauches en CDD courts (de moins d’un mois). Au-delà du constat de l’augmentation du nombre d’emplois salariés, souvent abusivement qualifié d’augmentation de l’emploi, le secteur associatif doit veiller à ce que la croissance du nombre d’emplois ne se traduise pas au final par une précarisation des salariés dans les associations.

Comment expliquer alors que le secteur associatif ait résisté à une crise économique que l’on a dit beaucoup plus grave que les précédentes ?

L’expression crise économique signifie « baisse de l’activité économique », c’est d’ailleurs sa définition. Or, une baisse de l’activité des entreprises les conduit très vite à ne plus recruter et à licencier. Les répercussions sur l’emploi sont donc immédiates. La crise financière a débuté à l’automne 2008 et la France est entrée en récession en 2009 : le secteur privé marchand a donc perdu très rapidement un certain nombre d’emplois.

Les choses sont différentes au sein des associations dont l’activité est pour partie acyclique. Un volet important de leurs emplois est concentré dans le secteur médico-social et l’éducation. Ces emplois résultent d’une activité indépendante de la conjoncture, tout au moins dans le court terme. Un hôpital, une école, une maison de retraite ne sont pas immédiatement sensibles à des phénomènes conjoncturels.

La crise économique de 2009 a atteint les financements de l’Etat en direction du monde associatif. Les baisses de l’activité économique ont un impact immédiat sur le niveau de la TVA et les cotisations sociales. Les financements de l’Etat en direction du monde associatif, qui représentent environ 13% de son financement total, ont ainsi baissé de façon importante en 2009. Mais les ressources des collectivités locales ont, pour leur part, continué d’augmenter en 2009. Les finances publiques locales subissent en effet la crise économique, mais avec un décalage qui tient à la structure de leurs ressources fiscales. Les collectivités territoriales, qui représentent 28 % du financement total du monde associatif, ont continué de compenser en 2009 la baisse des financements de l’Etat, comme elles l’avaient fait les années précédentes…

La situation est en revanche très différente pour l’année 2010 : la crise a à la fois atteint les finances des collectivités et augmenté leurs dépenses obligatoires d’aide sociale. Les collectivités locales n’ont pu compenser la baisse des financements de l’Etat dans un grand nombre de départements, et elles n’ont plus été en mesure de maintenir leurs propres financements en direction du monde associatif. C’est donc à l’aune de l’évolution de l’emploi associatif en 2010 que l’on pourra réellement apprécier l’impact de la crise sur l’emploi associatif.


Retrouvez la note de l’ACOSS en suivant ce lien.

Leave a Comment