Sébastien Darrigrand : " Les associations doivent développer une réflexion sur le renouvellement de leur main-d’œuvre, la gestion des âges et des parcours professionnels"

1/ Ce rapport du CREDOC montre que professionnalisation croissante et règlementation rendent nécessaire le recrutement de salariés qualifiés dans les associations. Dans ce contexte, comment faire en sorte que les associations proposent des emplois de qualité à des profils de publics adaptés ? (offres de formation, salaires, …)

Les entreprises de l’économie sociale et solidaire, de par leur nature et la nécessité de trouver des leviers économiques pour maintenir ou développer leurs activités sont des vecteurs d’innovations sociales ou organisationnelles. Elles cherchent à contribuer à une meilleure qualité de vie collective. Elles mettent en place des stratégies qui participent à cette volonté en privilégiant la mutualisation et les partenariats : la mobilisation des différentes parties-prenantes associées au projet qui deviennent le support du projet collectif.

Pour développer un emploi de qualité, il y a un préalable : il faut que les associations développent des activités, ce qui n’est pas toujours évident dans un contexte économique contraint. Ensuite, il faut maintenir les emplois dans les secteurs. Avant même de parler de développement d’emplois, c’est la capacité de développement des structures qui est nécessaire. L’association n’est pas forcément employeuse et si, elle l’est, alors il faut qu’elle soit sécurisée dans le maintien de ses activités.

Avec 608 000 postes à pourvoir dans l’économie sociale et solidaire d’ici 2020 pour faire face aux départs en retraite, la question de l’attractivité du secteur auprès des jeunes se posera avec une acuité particulière dans les prochaines années. Acteurs de poids dans l’ESS avec plus de 85% des structures du secteur et 80% du volume d’emplois, les associations devront donc nécessairement développer une réflexion sur les enjeux liés au renouvellement de la main-d’œuvre, de gestion des âges ou encore à l’évolution des voies et modalités de formation et des parcours professionnels des salariés.

Derrière ces enjeux se pose la question de la stabilisation des emplois dans l’ESS. Or, si l’on excepte les secteurs de la mutualité et la branche sanitaire, sociale et médico-sociale, caractérisés par un faible turn-over et une ancienneté importante des salariés, dans les autres secteurs les postes constituent plutôt une étape dans le parcours professionnels des salariés. Ainsi, les branches professionnelles fédérées par l’Usgeres sont très actives pour impulser des dynamiques de formations continues et de qualifications des salariés. CIDES-Chorum relevait dans son étude sur la qualité de l’emploi dans l’ESS en juin 2011, que l’accès à la formation variait de 27% à 47% de l’effectif salarié couvert, selon les OPCA (Uniformation et Unifaf). Alors qu’il est de 12,9% dans les entreprises de 10 à 19 salariés hors ESS. Cette spécificité est en partie due aux pratiques spécifiques de l’ESS qui valorisent la promotion sociale et l’éducation permanente autour de besoins sociaux ou liés à la personne qui sont évolutifs et variés, entretenant une nécessaire adaptabilité de la part des salariés.

Les conditions pour offrir des emplois de qualité sont celles qui répondent à des logiques de parcours professionnels mais aussi de formation des dirigeants afin de leur donner des clés pour accompagner les salariés dans leurs misions. L’un des vecteurs de réussite d’un emploi de qualité repose sur le rôle des branches professionnelles dans le dialogue social. Dans le secteur associatif, composé en grande majorité de très petites structures, c’est la branche qui intervient dans l’élaboration des normes sociales, tant sur les politiques de rémunération que d’évolution professionnelle. A ce titre et dans le contexte économique actuel, toute nouvelle charge pesant sur les entreprises est potentiellement fragilisant pour le maintien des emplois existants.

2/ La mutualisation d’emplois vous semble-t-elle une solution efficace pour permettre aux associations de faire face à leurs besoins d’emplois ?

Les modes de mutualisation d’emplois comme les Groupements d’Employeurs (GE) peuvent répondre, en partie, aux problématiques emploi de l’ESS à savoir l’emploi partiel, saisonnier ou encore à des besoins en compétences spécifiques du secteur associatif. Ce mode de travail semble réconcilier la nécessité de flexibilité pours les employeurs mais aussi la nécessité de stabilité des salariés. Pour les acteurs de l’Economie Sociale et Solidaire, la mutualisation d’emplois semble être une des réponses au maintien des actions des associations et un vecteur pour leur développement. En effet, grâce à la mutualisation des emplois, une association peut fidéliser un salarié alors qu’elle n’a pas d’emploi à temps complet à lui proposer. La gestion administrative du salarié est déléguée au groupement. L’association pourra dès lors bénéficier de nouvelles compétences qu’elle ne pourrait peut être pas développer individuellement et ainsi envisager de promouvoir de nouveaux projets. En termes de profils de postes, ce sont traditionnellement les fonctions supports de type comptabilité, secrétariat, informatique, maintenance ou RH, qui sont privilégiées par la mutualisation d’emplois.

Pour le salarié, l’intérêt majeur réside dans le fait qu’il a un employeur, le groupement, un seul contrat de travail et qu’il peut atteindre un volume d’heures travaillées plus important. Le fait d’intégrer un groupement d’employeur peut aussi lui permettre de limiter les risques de perte d’emploi puisque sa charge de travail est répartie sur plusieurs structures. Il peut ainsi avoir accès à la formation professionnelle.

Toutefois, ces modes de travail requièrent un certain sens de l’adaptation et de la polyvalence de la part des salariés. De même qu’elle implique une véritable dynamique collective où les membres du groupement doivent évaluer leurs besoins, anticiper et aussi envisager de construire un parcours professionnel cohérent pour le salarié en intégrant de nombreux paramètres : horaires de travail, congés, déplacements, rémunération, formation …

3/ Quel rôle l’Etat, à travers le service public de l’emploi, peut-il jouer pour favoriser la mutualisation d’emploi dans les associations ?

La réussite de ce type de démarches est conditionnée par une approche territoriale puisque les entités qui l’utilisent doivent être proches géographiquement. D’autre part, l’implication de ses membres, responsables solidairement des dettes sociales du groupement, est elle aussi indispensable pour que cela soit viable économiquement.

Il est donc nécessaire que l’Etat ou les collectivités territoriales se mobilisent pour développer et surtout, proposer des dispositifs de soutien à l’emploi mutualisé, soit sous forme d’aides financières ou fiscales et d’accompagnements conseils, afin que ces groupements d’employeurs puissent impulser une dynamique d’emploi de qualité.

Le service public de l’emploi se doit aussi d’assurer le rôle d’intermédiation entre les demandeurs d’emploi et les secteurs en tension qui proposent des opportunités d’embauches. Ainsi, le Ministère de l’ESS soutient le portail de l’emploi dans l’ESS (www.emploi-ess.fr) qui est un outil au service de cette intermédiation.

Enfin, dans le cadre du nouvel acte de décentralisation, le développement de conseil en évolution professionnelle sous l’égide des OPCA, des conseils régionaux ou des prescripteurs de l’emploi peut être un levier pour favoriser la mutualisation d’emplois pour les salariés et répondre aussi au développement de la qualité de l’emploi.

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