La recherche scientifique pour stimuler les innovations

Créé en 2007 à l’initiative des acteurs de l’ESS en région Picardie, l’Institut Jean-Baptiste Godin est le premier centre de transfert en pratiques solidaires et innovation sociale de France. Ses activités sont structurées autour de deux grands axes : la recherche et développement et les différentes formes de transfert. Emmanuelle Besançon, docteure en économie et chargée de mission à l’Institut Godin depuis 2009, nous explique en quoi les outils de la recherche peuvent êtres transférés aux acteurs pour faire naître des changements.

 

Comment êtes-vous passés d’une posture de chercheur à une posture d’accompagnateur ?

L’Institut Godin est un centre de transfert dont l’une des modalités d’intervention relève de l’accompagne-ment. Le transfert consiste à se nourrir de la recherche pour créer des outils opérationnels pour les structures de terrain. L’objectif est que les structures s’approprient suffisamment les travaux et les outils pour en avoir une utilisation autonome. Mais on sait très bien que cela de-mande un accompagnement et un suivi dans le temps. Il est aussi intéressant pour nous de voir comment évoluent les structures qui s’inscrivent dans une démarche de transfert. Nous ne sommes ni un centre de recherche ni une structure d’accompagnement à proprement parler : nous puisons dans ces deux activités. La spécificité du transfert, par rapport à d’autres formes d’accompagnement, est qu’il s’appuie sur une matière scientifique.

 

Quels sont les outils que vous développez et en quoi peuvent-ils participer à « changer » les structures ?

Nous avons commencé par travailler sur les pratiques solidaires. Les acteurs de l’ESS revendiquent des va-leurs, nous voulions appréhender comment, de manière concrète, ces valeurs se traduisent par des pratiques. Nous avons donc construit un tableau de bord pour permettre aux structures de repérer et d’identifier ces pratiques, en matière de gouvernance, de relation au territoire, de modèle économique… Cette analyse passe par un questionnement qui peut effectivement amener la structure à faire évoluer certains aspects de son fonctionnement. Si les structures peuvent changer, il nous parait important de mettre aussi en avant le fait qu’elles sont elles-mêmes porteuses de changements pour la société. Or, cela semble insuffisamment pris en compte et mal reconnu. Pour le dire simplement, le change-ment à opérer n’est pas seulement du côté des acteurs mais aussi des institutions. Nous avons développé des travaux sur l’innovation sociale, avec l’idée de proposer une vision élargie de cette notion qui ne s’arrête pas à la question de la nouveauté, mais qui permette de valoriser d’autres apports. Nous avons également cherché à agir sur le cadre ; comment, du côté des institutionnels, mettre en place des conditions qui rendent l’innovation sociale possible et/ou la favorisent.

Les structures avec lesquelles nous travaillons sont porteuses d’initiatives. Nous avons développé des outils permettant de mieux qualifier en quoi ces initiatives sont porteuses de changement pour les usagers, le territoire, les institutions… Ces outils sont destinés aux acteurs pour les aider à valoriser leurs actions, mais ils peuvent aussi accompagner la réflexion des décideurs, en vue de faire évoluer les politiques publiques.

 

Comment travaillez-vous concrètement avec les structures que vous accompagnez ?

Nous aidons les porteurs de projet à mettre en avant les éléments porteurs d’innovation sociale dans leurs pratiques et dans le projet. Quand il est au stade d’idée, il s’agit d’identifier un potentiel en termes d’innovation sociale, de le valoriser auprès des décideurs et de réfléchir à la façon dont on préserve ce potentiel à tous les stades de la mise en œuvre. Nous les outillons en ce sens. Cela les amène aussi à se poser des questions qu’ils ne s’étaient pas posées, à considérer des éléments qu’ils n’avaient pas forcément pris en compte ou formalisés. Le travail que nous faisons ensemble leur permet de structurer la façon dont ils présentent leur projet, de s’approprier un vocabulaire scientifique ou institutionnel, de mettre des mots sur leurs pratiques. Cette approche permet aussi de requestionner des projets plus anciens. Nous avons par exemple travaillé avec un centre social, ce qui nous a amené à questionner le contexte d’émergence du pro- jet des centres sociaux, contexte qui a fortement évolué ! Quand ils sont apparus, les centres sociaux étaient porteurs d’un changement bénéfique pour les usagers et pour les institutions. Comment peuvent-ils continuer à être porteur de changements dans le contexte actuel ? Quels sont les leviers ? Ce travail les a conduits à requestionner la place des bénéficiaires et à faire évoluer concrètement leurs pratiques pour répondre à cet enjeu. L’organisation, les modes d’intervention ont été repensés. Nous intervenons aussi pour permettre un partage de ces notions entre les salariés et les bénévoles.

Enfin, se pose la question de la diffusion de l’innovation sociale : comment un projet innovant, qui répond à des besoins ou des aspirations, peut-il être essaimé dans d’autres territoires ? Il est très important de ne pas contraindre les structures à un changement qui ne serait pas ce à quoi elles aspirent. On ne peut pas imposer un changement par le haut, il faut réfléchir à des méthodes de diffusion qui soient cohérentes avec les pratiques des acteurs et avec le territoire.

 

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