Brigitte Clavagnier : " La commande publique va finir par tuer la vie associative locale "

Quels sont les problématiques posées dans les relations contractuelles associations/pouvoirs publics aujourd’hui ?
Je constate un développement extrêmement important et inquiétant de la commande publique au détriment de l’association dans des secteurs ou dans des situations où il aurait parfaitement été possible et légal de rester dans le cadre de la subvention.
Pour justifier le recours au marché public, les élus locaux s’appuient sur la crainte que génère la notion de subvention, qui ne fait l’objet d’aucune définition légale pour le moment, ainsi que sur le flou créé par la règlementation européenne. Or la commande publique n’apporte pas de sécurité juridique particulière et génère de nombreux recours contentieux. En revanche, elle va finir par tuer la vie associative locale. Une petite association n’est pas en capacité de répondre à des appels d’offre. La mise en concurrence avec des entreprises assèche la vie associative et a des conséquences négatives sur le lien social.
Quels sont les conséquences de ce développement de la commande publique?
Si une concurrence commerciale se développe dans des secteurs historiquement pris en charge par des associations, comme l’éducation populaire, les associations basculeront, à plus ou moins long terme, dans le champ des impôts commerciaux. C’est la fameuse règle des 4 P : lorsqu’elle est sur un secteur concurrentiel, une association ne peut être exonérée d’impôts commerciaux que t si elle démontre qu’elle exerce son activité dans des conditions différentes de celles d’une entreprise commerciale (on analyse l’utilité sociale à travers le produit, le public visé, la pratique de tarifs, l’absence de publicité).
Or, dans le cadre d’un marché public, ce n’est pas son projet que l’association exécute mais bien le cahier des charges de la commande publique et le public visé par cette dernière. Ne mettant plus en œuvre son propre projet, l’association ne se différencie plus d’une société commercial et devient susceptible d’être imposable sur son activité.
De plus, en l’état actuel de la règlementation fiscale, dès lors que l’association devient imposable sur une grande partie de son activité, elle n’est plus éligible au mécénat. Cela signifie qu’une association fiscalisée ne pouvant plus recevoir de dons au nom du mécénat devient encore plus dépendante des pouvoirs publics. C’est une logique sans fin.

En tant que membre du Haut conseil à la vie associative (HCVA), quelles sont les pistes d’évolution que vous préconisez ?
La première des évolutions nécessaires serait qu’il y ait enfin une définition légale de la subvention. Pour l’instant il n’existe aucune définition légale, hormis dans des textes qui n’ont que peu de valeur juridique.
De plus, la définition présente dans ces textes s’inscrit en creux et par opposition au marché public. Or, la subvention répond, de par la jurisprudence du Conseil d’Etat, à une définition parfaitement claire. Ensuite, il est fondamental que les collectivités territoriales, notamment les cadres territoriaux, soient formés à la technique de la convention d’objectifs. Pour l’instant la seule technique qu’ils maitrisent est la délégation de service public. Pourtant, il est primordial qu’ils utilisent cet outil sans le redouter et qu’ils le maitrisent.
Parallèlement, il convient d’informer, à tous les échelons, des contraintes européennes sans les surestimer. Il existe des marges de manœuvres dans la législation européenne que l’on pas assez exploitées en France contrairement à d’autres pays européens. Si on les utilise, on se rendra compte que la convention d’objectifs est une manière à la fois adaptée de répondre aux exigences européennes, tout en maintenant une relation de partenariat avec les associations.

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