La Journée nationale d’information sur la réforme des collectivités territoriales organisée par Le Mouvement associatif avait deux objectifs principaux : faire un point sur la réforme telle qu’elle est présentée actuellement et dégager ses conséquences sur le monde associatif. Pour remplir ces objectifs, les intervenants et notre grand témoin Georges Gontcharoff ont dialogué avec les quelques 80 participants présents. Représentants de collectivités territoriales, associations, coordinations nationales ou régionales, députés, personnel politique: tous les acteurs et secteurs mobilisés étaient présents pour échanger autour du partenariat entre pouvoirs publics et associations dans le cadre de la réforme en cours.
Trois grands axes d’inquiétudes sont apparus.
Le sacrifice de la parité
Olga Trostiansky, représentante du CNL CAFF (Comité national de liaison des coordinations associatives féminines et féministes)] à Le Mouvement associatif, a montré comment la réforme constitue une menace pour la parité en politique. Elle a expliqué que le mode d’élection probable du futur conseiller territorial au scrutin uninominal majoritaire à deux tours (http://www.vie-publique.fr/decouverte-institutions/institutions/approfondissements/differents-modes-scrutin-leurs-effets.html) aboutirait à une sous-représentation des femmes dans les assemblées territoriales : selon une projection, 20% seulement des conseillers territoriaux seraient des femmes alors qu’elles forment 47,6% des assemblées régionales actuelles. La proposition du CNL CAFF de garantir la parité à l’échelle de deux « territoires » (la dénomination de la circonscription électorale des conseillers territoriaux) n’a pour l’instant pas été reprise par les parlementaires de la majorité comme de l’opposition. Il s’agit d’un recul sans précédent et le Conseil constitutionnel pourrait être saisi dans la mesure où la Constitution garantit dans son article 1 « l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives ».
A rebours de la décentralisation : l’assèchement des finances locales
Plusieurs intervenants ont évoqué l’enjeu des finances locales, à commencer par notre grand témoin Georges Gontcharoff qui a souligné le tournant marqué par cette réforme dans une histoire des relations entre Etat et collectivités territoriales plutôt tournée vers une décentralisation progressive. De leur côté, Mikaël Garnier-Lavalley (CNAJEP – Comité pour les relations nationales et internationales des associations de jeunesse et d’éducation populaire) et Nicolas Sadoul ([Ligue de l’Enseignement)] ont précisé les conséquences de la réforme pour les associations sur le terrain. En effet, couplée avec la fin de la taxe professionnelle, la réforme des collectivités territoriales aboutira à un véritable assèchement des finances locales : les transferts de charge par l’État à destination des collectivités sont de plus en plus importants mais les moyens ne suivent pas. En d’autres termes, le gouvernement demande aux collectivités de faire plus avec moins. Les représentants des régions – Olivier-Ronan Rivat (Vice-Président de Le Mouvement associatif Midi-Pyrénées) notamment – ont montré que, déjà, les associations servent de variables d’ajustement budgétaire dans les départements. Les associations auront de plus en plus de mal à trouver des fonds pour mener leurs actions. Qui sera touché ? Tous les usagers de ces mêmes associations, c’est-à-dire un nombre important de personnes qui ne se situent souvent pas parmi les plus privilégiées de la population. De nombreux intervenants l’ont répété au cours de cette journée : ce qui est en jeu c’est bien la capacité des associations à répondre à la demande sociale.
Fin annoncée de la compétence générale et chasse aux financements croisés.
« Il faut mettre de l’ordre dans le millefeuille des collectivités » a déclaré le Président de la République. Pour réaliser ce vœu, les parlementaires s’apprêtent à entériner la fin de la clause de compétence générale qui permettait aux collectivités de traiter de toute affaire concernant son territoire d’administration. Par exemple, une municipalité pouvait s’occuper de tout sujet impactant la commune. Aujourd’hui la compétence générale va s’effacer, en particulier pour les départements et les régions qui devront s’astreindre aux compétences définies par l’État. Si la clarification des compétences est une revendication pertinente, la réponse ne doit pas être aussi brutale. La compétence exclusive est complètement aveugle sur la complexité territoriale de certains projets ou enjeux associatifs. Prenons un exemple fictif : si une association souhaite développer un projet social à l’échelle régionale, elle devra dorénavant s’adresser séparément à tous les départements de sa région car l’action sociale sera la compétence exclusive du département. Auparavant, les associations pouvaient alterner ou croiser leurs interlocuteurs car un même projet peut avoir une vocation à la fois départementale et régionale ou concerner plusieurs champs de compétence. Demain plus que jamais, les projets associatifs devront rentrer dans les cases définies par l’Etat.
D’autre part la réforme doit également mettre fin aux financements croisés ([Les financements croisés ou cofinancements désignent la pluralité de sources de financements pour un même projet par plusieurs collectivités territoriales (ou autre contributeur). Ils se justifient par l’importance des projets qui ne peuvent être financés par une seule collectivité .)]. Or on sait que la raréfaction de la ressource qui est déjà une réalité pour les collectivités mais qui sera renforcée par la réforme en cours entraîne souvent une impossibilité pour une seule collectivité de supporter seule la charge financière d’un grand projet.
Si tous les territoires seront touchés, Brigitte Giraud, présidente du CELAVAR ([Comité d’étude et de liaison des associations à vocation agricole et rurale)], a insisté sur les territoires ruraux qui, déjà délaissés par les autres pans des politiques publiques, se retrouveront plus démunis encore.
Et maintenant ?
Le tableau peint par les intervenants et les participants à la Journée nationale d’information est plutôt sombre. Toutefois, tous ont insisté sur le fait que rien n’est encore joué. Jacques Henrard et Gilles Le Bail, président et vice-président de Le Mouvement associatif se sont réjouis de l’unité du monde associatif sur la question de la réforme territoriale. Il ne s’agit en aucun cas de corporatisme. Soyons clairs. Ce ne sont pas les associations en tant que telles qui sont menacées aujourd’hui mais ce qu’elles font : actions humanitaires et sociales, éducation populaire, défense du droit des femmes, culture pour tous, développement rural, etc.
En vue de 2012, le mouvement associatif doit veiller à ce que l’ensemble des partis politiques se positionnent clairement quant à cette réforme. Tout en soulignant l’importance sociale du monde associatif en France, Marylise Lebranchu, présidente du FNESER ([Fédération nationale des élus socialistes et républicains)] a rappelé la recommandation envoyée aux élus socialistes : « ne pas taper trop fort ni trop vite » sur les associations. Ce message, par trop sibyllin, doit être précisé.
La réforme des collectivités territoriales n’est pas derrière nous. Bien au contraire, il s’agit aujourd’hui de veiller à ce que ses effets soient les moins brutaux possibles.
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